Nouveau mandat d’arrêt européen visant Josu Urrutikoetxea : l’Espagne s’acharne contre une figure historique de l’ETA, artisan de la paix
Agence France-Presse
Nouveau chapitre dans le roman judiciaire français d’un leader historique d’ETA: une demande de remise à l’Espagne sera examinée le 25 février concernant Josu Ternera, sous contrôle judiciaire dans l’Hexagone et dans l’attente d’un procès en 2026.
Josu Antonio Urrutikoetxea Bengoetxea, alias Josu Ternera, qui aura 75 ans le 24 décembre, voit les pages de son agenda se noircir. Celui qui avait annoncé la dissolution de l’organisation séparatiste basque le 3 mai 2018 avait déjà rendez-vous à Paris pour un procès lié à son passé dans l’ETA les 9 et 10 avril 2026. Mais le voilà visé par un nouveau mandat d’arrêt européen émis par l’Espagne le 3 décembre, où il est encore question de délit de direction de groupe terroriste ou d’appartenance à un groupe terroriste, comme il a été indiqué mercredi devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, compétente en matière d’extradition. La courte audience du jour était principalement destinée à fixer la date des prochains débats, qui seront plus conséquents.
Le septuagénaire, tout de gris et noir vêtu, a pris connaissance de la date de la prochaine audience puis est parti sans dire un mot aux journalistes présents, en majorité espagnols. Figure historique d’ETA, il a été arrêté en France en 2019 et réside à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques).
- « On ignore la peine » -
« C’est le deuxième mandat d’arrêt européen émis par l’Espagne sur le même dossier, on se demande pourquoi », s’est interrogé devant la chambre de l’instruction Me Laurent Pasquet-Marinacce, son avocat.
C’est en effet un nouvel insert judiciaire pour celui qui était présenté comme une tête pensante d’ETA. Il était jusqu’ici établi qu’une fois les procédures judiciaires françaises terminées, Josu Ternera pourrait être remis à l’Espagne, la Cour de cassation ayant accepté en novembre 2020 le principe de sa remise demandée par Madrid.
« On ignore la peine encourue cette fois, ce n’est pas marqué dans ce mandat d’arrêt européen, c’est à vérifier », a tiqué le président de la chambre d’instruction mercredi. Cette requête récente diffère de la précédente en étendant la temporalité de l’infraction présumée pendant une quinzaine d’années depuis le début des années 2000.
Or, le mis en cause assure avoir coupé tout lien avec l’ETA dès l’automne 2006. Et en 2021, le tribunal de Paris l’avait relaxé de faits de participation à une « association de malfaiteurs terroriste » entre 2011 et 2013, n’ayant trouvé « aucune trace » de son engagement actif au sein de l’organisation basque à cette période-là.
- « Disproportionné » -
« Les Espagnols veulent lui imputer des responsabilités sur une période plus large. Mais c’est exactement le même dossier » a décortiqué auprès de l’AFP en marge de l’audience l’avocat du mis en cause. « Le procédé du mandat d’arrêt européen sur un mandat d’arrêt européen est, à mon sens, disproportionné et sans doute irrégulier », a encore taclé Me Laurent Pasquet-Marinacce.
Pour le volet français, l’accusation maintient en revanche toujours que les empreintes de Josu Ternera auraient été retrouvées en 2002 dans des caches de l’ETA dans le sud ouest de la France, à Lourdes et Villeneuve-sur-Lot, ainsi que dans un véhicule. Sa défense assure qu’il oeuvrait à l’époque pour des négociations de paix et non pas pour des opérations à but terroriste.
En 2021, la cour d’appel de Paris avait renvoyé le procès du septuagénaire, qui devait être jugé pour « association de malfaiteurs terroriste » entre 2002 et 2005, en raison d’irrégularités dans le dossier.
L’ancien dirigeant de l’ETA avait été condamné en 2010 à cinq ans de prison en première instance puis sept ans en appel. Mais comme ces peines avaient été prononcées en son absence, Josu Ternera avait pu demander à être rejugé en sa présence.
Créée en 1959 sous la dictature espagnole de Franco, l’ETA est accusée d’avoir tué au moins 853 personnes durant quatre décennies de violences au nom de l’indépendance du Pays basque.